Le mouton et le renard

Un hasard étonnant fit un jour un renard
Pâtre étonné d'un curieux mouton noir,
Car contrairement à tous ceux de sa race
Ce sombre ovidé avait besoin d'espace.
Las des sentiers battus par maintes transhumances
Des alpages solitaires étaient son espérance.
Il s'était éloigné de l'ennuyeux troupeau
Un berger vint à lui en jouant du pipeau
Le poussant plus loin encore à l'aventure
Réjouissant le mouton de cette couverture
Inespérée lui permettant de voyager.
Mais pas dupe. Car curieux, il l'était,
"Bon berger, Entendez-vous le tocsin sonner ?
A croire que l'alarme nous vient du poulailler."
"Mais non c'est l'angélus qu'ici nous entendons
C'est le bon Chanteclerc qui donnerait le ton."
Affirma le pâtre d'un ton très sentencieux,
Rabattant son chapeau sur le bord de ses yeux.
"A moins qu'un goupil lui ait fait son affaire !"
"Un goupil ? Il n'y en a plus sur cette terre,
Le roi Lion l'a chassé depuis belle lurette."
Le mouton lui sourit et un instant s'arrête
"Le mal s'en revient comme s'en revient l'hiver",
Il repart "Goupil ou non, moi je n'en ai que faire.
Ma toison est épaisse, mes cornes sont pointues,
Je tuerai le goupil avant qu'il ne me tue"
Le pâtre étonnamment vexé "Son arme c'est la ruse"
"C'est vrai, malgré tout, je doute qu'il m'abuse,
Je connais tous ses tours, je les ai étudiés
Je verrais bien sa queue s'il était déguisé."
Le ton de ce propos était si entendu
Que Renard vit la sienne dessous son pardessus.
Il la cacha. "Où allons-nous, bon berger
J'ai envie d'herbe fraîche mais sans la partager."
"Euh, je connais dans les bois une belle prairie  
Une source y coule, elle est toujours fleurie"
"Les bois ? Ysengrin le loup y a son âtre !"
"Le pré sera désert, le loup a peur des pâtres !"  
Et se servant l'un à l'autre de sauf-conduit
Ils échappent au loup et aux chasseurs aussi.
Un renard rusé pasteur d'un mouton matois
Qui se rit de l'un, qui de l'autre rira,
Le mouton est trop gros, le renard le sait bien
Le mouton se méfie, le renard est trop fin.
Ils cheminent ensemble, renard guide leurs pas
Tant que le mouton noir est d'accord toutefois.
On ne contredit pas qui a de longues cornes
Le renard le sait bien et aussi le flagorne
Sans savoir toutefois comment duper l'ovin
Et pouvoir d'un gigot, peut-être calmer sa faim.
Un soir une poule égarée vint chercher un abris,
Auprès des deux fuyards, elle n'était que cris :
"Bien contente de trouver des gueux de votre genre
Un mouton, un pâtre ! Pff à peine bon à me défendre,
Enfin je suis bien aise... Hé le laineux
Que vous êtes gros. Poussez-vous donc du feu"  
"Renard, Débarrassez nous donc de ce cauchemar"
 Et le renard heureux engloutit la poularde.
"Vous êtes un drôle d'herbivore" dit le rouquin affable,
Me laissez dévorer une de vos semblables."
"Quoi ? Moi semblable à ce stupide volatile,
Et pourquoi pas à vous ? Ne suis-je pas subtil ?"
"Oh si et votre compagnie m'est précieuse
Le mouton fait le pâtre, attire les oiseuses
Eloigne les chasseurs qui réclament vengeance."
"Et du loup aussi, la redoutable engeance,
Je ne suis avec vous pas un mouton perdu
Je vais où il me plaît, les chiens ne mordent plus.
Aucun des deux à l'autre ne peut nuire
Et trahir l'autre est encore se trahir."  
Ainsi fut conclue cette étrange amitié
Du renard, du mouton épris de liberté.
Ils courent encore, dit-on
Les  poules disparaissent à cause des faucons.

Il est vain de classer les êtres sur un seul trait
La différence en tout peut avoir de l'attrait
Nous sommes plus communs que nous ne le croyons
Si ce n'est dans la forme, peut-être dans le fond,
Mais également plus extra-ordinaires,
Gérons ce paradoxe en demeurant ouvert  
Avant de refuser quelques étranges alliances
Attendons, attendons, armons nous de patience.

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