Darwin au pays du conseil

Hier soir j'ai assisté à la présentation par le cabinet de conseil PricewaterhouseCoopers d'une étude intitulée : Innovation et performance, où en est votre R&D ?
150 ans après la publication du célèbre De l'origine des espèces, 2009 avait été labellisée "année Darwin" et c'est donc sous ce haut patronage que PWC a réalisé son étude, tentant d'appliquer la théorie de l'évolution au développement de nouveaux produits.
Alléchant n'est-ce-pas ? Mais un peu facile et très convenu. Personnellement, j'aurais trouvé plus original dès 2008 de choisir le 80ème anniversaire de la naissance de Mickey pour réfléchir à un parallèle entre R&D et petite souris, par exemple.
Revenons à l'étude, "fruit du dialogue entre une trentaine de directeurs de la R&D de grandes entreprises, françaises et étrangères, et des représentants de PricewaterhouseCoopers (...)".
Célébrons la représentativité de cet échantillon. Nous constatons que sont d'emblée écartées : la Recherche publique, les PME, les start-up. Pour avoir une idée de ce qu'est aujourd'hui la R&D, une trentaine de grandes entreprises seraient donc suffisantes. En regardant l'étude de plus près, on voit que les entreprises en question appartiennent essentiellement au secteur des télécommunications (Orange, SFR) et à celui de la pharmacie. Exit les transports (automobile, ferroviaire, aéronautique), la métallurgie, la chimie, l'énergie... qui sont pourtant un tout petit peu importants aussi, non ?
Un autre point qui me chiffonne la laine est la perpétuelle confusion entre R&D et innovation. L'innovation n'est pas la recherche. Les confondre amène à des dérives qui m'inquiètent.
Innover, c'est "introduire quelque chose de nouveau". La recherche, c'est "l'ensemble des travaux, des activités intellectuelles qui tendent à la découverte de connaissances et de lois nouvelles". C'est pas moi qui le dit, c'est Robert. Mais un produit peut parfaitement être nouveau sans reposer sur une loi nouvelle. Prenons un exemple, car je sens que vos paupières sont lourdes :
L’iPod repose sur un concept (le walkman) et des "briques technologiques" pré-existantes (format de compression, mémoire flash, diminution de la taille des disques durs, etc). Pour preuve, le concept était prêt à être lancé par Compaq mais arrêté suite au rachat par HP. L’innovation de l’iPod réside dans la qualité du design, l’ergonomie d’utilisation et dans le système complet mis à disposition pour le client (iPod + iTunes sur PC + iTunes Store…).
Vous me direz "et alors ?" Je vous répondrai qu'il est dangereux d'assimiler innovation et recherche à tout bout de champ car les deux n'ont ni les mêmes enjeux, ni les mêmes mécanismes, ni les mêmes besoins, ni les mêmes résultats... Dès lors, demander "où en est la R&D" pour ne parler ensuite que d'innovation me dérange.
Ceci posé, je citerai quelques exemples amusants :
A la page 21, je lis en tête de paragraphe que "la crise offre des opportunités d'innovation aux acteurs ambitieux" car "l'acquisition de talents peut s'effectuer à un coût plus faible qu'en période de croissance". C'est d'un cynisme réjouissant. En gros, profitez de la crise pour embaucher des chercheurs en réduisant leurs salaires, de toute façon ils sont comme les autres : il faut bien qu'ils bouffent... (Préférez donc ceux qui ont eu l'audace de se reproduire et ont le coeur broyé devant l'assiette vide de leurs petits, ce seront les moins chers).
PWC relève également l'importance de la diversification des talents. En effet, le cabinet constate qu'à recruter des personnes toutes issues du même moule (quel qu'il soit : Centrale, HEC...), on se retrouve avec des gens qui pensent tous un peu de la même façon. En voilà une découverte fondamentale...
Le discours était donc truffé de portes ouvertes que l'orateur s'est empressé d'enfoncer avec une aisance qui prouve qu'il mérite pleinement chez PWC son statut d'associé, spécialisé dans "l'amélioration de la performance".
Mais ne soyons pas trop médisants. Je continue de penser que ce genre de présentation est fort utile car, à ma grande joie, elle était suivie d'un buffet. Canapés et petits fours de chez Machado (excellente maison), champagne... Encore un dîner à l'oeil. Que voulez-vous, les temps sont durs quand on est chômeur et je ne peux décemment pas chaparder au supermarché !

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