Pénurie d'ingénieurs en France ? Bullshit...

Les media et Valérie Pécresse ne cessent de nous dire qu'il y a une pénurie d'ingénieurs en France, que les jeunes doivent faire des doctorats et bla bla bla...
Le numéro 238 de Challenge affichait ainsi triomphalement en couverture "225 000 postes à pourvoir". Mais quelle photo trônait au-dessus du titre en gros caractères ? Celle du PDG d'Alstom, d'EADS, de la SNCF ? Non. Celle du PDG d'Altran. Pour ceux de mes lecteurs qui l'ignorent, Altran est "le leader européen du conseil en innovation" d'après son site internet (et non pas une entreprise industrielle, comme l'écrit l'éditorialiste dont je reprends les propos juste après).
Le numéro 241 du même magazine renchérit en page 40 : "Recherche ingénieurs désespérément". La France manque d'ingénieurs affirme l'auteur de l'article. Pourquoi ? La raison la plus profonde selon lui "tient sans doute à la conception de ce que l'on appelle la formation d'ingénieur "à la française" (...) qui se caractérise par une maîtrise approfondie des mathématiques et des sciences fondamentales".
L'ennui c'est que dans le même numéro 241 mais à la page 10, Challenge nous informe que "80% des promos de polytechnique depuis 10 ans travaillent dans la finance et le conseil".
Ah, quel dommage que l'éditorialiste de la page 40 n'ait pas eu cette info avant d'analyser les causes de la dite pénurie. Quelle pitié qu'il ne fréquente pas les professeurs de sciences physiques chargés de la formation des premières et terminales scientifiques...
Car il découvrirait que les jeunes de ces classes ont bien compris qu'ils gagneraient plus facilement leur vie dans les métiers commerciaux ou financiers que dans les métiers techniques. Entre nous soit dit, il n'y a pas que les filières d'ingénieurs qu'ils boudent mais aussi médecine d'après Till', mon relais dans l'Education Nationale.
Dans la catégorie "forts en maths", les polytechniciens sont supposés occuper le dessus du panier, non ? Pourtant eux aussi délaissent les carrières dans la recherche et l'industrie et préfèrent faire de l'argent dans la finance et le conseil.
Ce n'est donc pas la faute des mathématiques si "la France manque d'ingénieurs". D'ailleurs, en manque-t-elle vraiment ? L’industrie recrute de moins en moins. La pénurie ne concerne-t-elle pas plutôt les « consultants » que les ingénieurs ? Vous allez me dire que nombre de consultants ont des formations d’ingénieurs et que tout ça c’est pareil. Que nenni. Lisez les offres d’emploi diffusées par Altran, son cousin Alten et les autres "marchands de viande" (comme dit un de mes amis, diplômé de SUPELEC) du même style. On y demande des "jeunes diplômés avec 3 à 5 ans d'expérience". On en fait des consultants en management, en stratégie, en innovation... Ils "excellent" dans l'art du powerpoint et on les paie au lance-pierres tout en facturant des fortunes à l'industriel chez qui on les place. Mais je reviendrai sur ce dernier point bientôt.

Commentaires

  1. A propos des sociétés de service, il faut aussi noter la profusion d'offres mises sur le marché et ne correspondant pas à de vrai postes, mais servant uniquement à alimenter des réservoirs à candidats. Comme dresseur de puce, j'ai été amené à rencontrer plusieurs de ces sociétés qui se disent toujours interessé par mon profil et dont je n'entends plus jamais parlé une fois les entretiens passés...

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  2. Je me rappelle que pendant les années 1980, on nous avait déjà joué cet air. Du coup s'est-il créé de nombreuses écoles d'ingénieurs dans ces années-là. J'ai eu l'honneur d'en alimenter une et 3 ans après alors que je n'avais fait des sciences que pour être sûr de manger, j'eus le plaisir de me heurter à l'année de crise 1993 qui valut à certains de mes camarades de vendre des assurances, distribuer des prospectus, ou chômer 3 ans. Pour ma part, j'ai opté pour un thèse royalement payée 1000 € par mois sans cotisation chômage ou retraite. Que les jeunes français ne se précipitent pas dans une telle filière me paraît le signe d'une grande maturité d'autant qu'un de mes collègues me disait cet aprem que son plombier de 30 ans gagnait plus que lui à 45. Je sais bien que l'argent ne fait pas tout, mais à tout prendre souder des tubes doit être tout aussi passionnant que de remplir les revues de conception du système qualité. Et puis au moins, quand on a une fuite à la maison, on sait quoi faire...

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  3. Les "marchands de viande" sont malheureusement souvent un passage obligé pour les jeunes diplômés souhaitant intégrer une grande entreprise, celles-ci étant réticentes à prendre le "risque" d'une embauche... et souvent, la prestation s'assimile plus à du prêt de main d’œuvre, ce qui est interdit, qu'a une vraie prestation technique (càd apport d'une expertise non disponible dans l'entreprise).

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  4. C'est un vrai débat en interne dans les entreprises qui veulent faire appel à cette "viande". Les "pro" peuvent toujours trouver un argument pour dire que la compétence recherchée est tellement spécifique qu'elle n'existe pas en interne...

    Le "marchand de viande" demande des honoraires bien supérieurs au prix de l'ingénieur (avec charges) mais encadre la prestation (ce n'est pas à l' "acheteur de viande" de contrôler le travail de la viande) et prend le risque d'une fin anticipée de mission. En gros, la viande profite de la "structure" du "marchand" autour, c'est rassurant...

    Voila je pense pourquoi cela perdure: tout le monde (en poste) y trouve son compte.

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  5. Bonjour,

    Je suis tout à fait d'accord avec vos articles car je suis moi-même confronté depuis 15 ans à ce système débile et injuste de politique en informatique qui pourri la vie des gens honnêtes.

    voici mon site www.bilanpolitique.fr

    Cordialement

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