Anne ou Philippe ?

Elle dit avec force et simplicité que nucléaire et low cost, cela ne peut pas aller ensemble. Elle dit que, plus jeune, elle s'est beaucoup censurée, qu'elle était très sérieuse et se concentrait sur ses longues études mais qu'il y a plein d'autres choses qu'elle aurait rêvé de faire. Elle me rassure parce que moi aussi, j'ai mis de côté bien des rêves et je suis content de voir que je ne suis pas tout seul dans ce cas.
J'aime bien Anne Lauvergeon. J'étais ravi ce matin qu'elle clôture le colloque auquel je m'étais inscrit à Paris.
Elle est venue ma star, vêtue de bleue. Et moi, je l'ai abandonnée. Je suis parti sans l'écouter jusqu'à la fin, comme un mouton mal élevé.
Vous pensez que j'avais une bonne raison, peut-être ? J'en avais une en effet : j'avais rendez-vous avec mon grand frère pour déjeuner, avant de reprendre le train pour ma province. Je ne l'ai pas vu depuis tellement longtemps que je ne saurais même pas vous dire quand c'était.
J'ai quitté le palais d'Iéna en courant, comme Cendrillon. Je n'ai consulté mon portable qu'en arrivant au métro : mon frère avait annulé notre rendez-vous quelques minutes avant que je ne quitte l'hémicycle.
C'était tellement prévisible que c'est à moi que j'en veux le plus : d'avoir cru que cette fois-ci il viendrait, d'avoir négligé de regarder mon écran avant de partir...
J'entends d'ici qu'on me dira, comme souvent : "ah mais tu connais ton frère..." C'est vrai. C'est pourquoi, la prochaine fois, je resterai sagement dans mon fauteuil à écouter des gens intéressants plutôt que de mâchonner mon désarroi et mon sandwich dans le train du retour.