Le Winston Churchill du dirigeant

La semaine dernière, un chasseur (de têtes) m'a donné rendez-vous dans un Mercure du quartier, au motif que ses locaux étaient en travaux. Comme vous le savez (mais pas lui) je suis un mouton, noir de surcroît et non un lapin de trois semaines. La vraie raison de ce lieu de rendez-vous est plus simple : sa société étant en liquidation judiciaire depuis mars dernier, il n'a très probablement plus de bureaux.
Durant ma petite enquête préalable à notre entretien, je suis tombé par hasard sur une page de son site internet présentant son équipe : quelques consultants, en costume cravate et en noir et blanc, puis une blonde à moitié nue, adossée à un photocopieur : l'assistante de direction et enfin une gravure de "Jane d'Arc, attachée de recherche". La sainte et la putain...
On ne s'étonnera pas après cela qu'il m'ait lâché le traditionnel "la chimie, c'est de la cuisine" durant la discussion.
Comme disent les Inconnus, il y a deux sortes de chasseurs : les bons et les mauvais. La catégorie à laquelle appartient celui-ci n'est pas difficile à deviner. Ce monsieur a beaucoup parlé de lui : je sais qu'il est réserviste, qu'il est marié depuis 38 ans (à une femme "qu'il admire beaucoup" comme il le déclare aux gazettes) et que "sans vouloir faire son MEDEF" il considère que la boîte TRUC est "morte de son personnel".
Il m'a aussi beaucoup parlé de "son ami de 30 ans", celui qui recrute, d'où notre entretien. Un homme absolument remarquable, qu'il considère ni plus ni moins comme "le Winston Churchill du dirigeant".
Par contre sur le poste, il ne savait rien, à part qu'il s'agit d'un poste de Directeur Recherche et Développement. D'ailleurs sur les métiers techniques, il a convenu en toute simplicité qu'il n'avait aucune compétence. Notez qu'il n'avait guère le choix puisqu'il était manifestement en train de confondre assurance qualité fournisseurs et formulation de caoutchouc.
Sur la réalité de l'engagement de son client -fabricant de produits chimiques- vis-à-vis de l'environnement (problématique qu'il avait soulevée lui-même), il est resté plus qu'évasif : fumeux.
La préfecture menaçant de refuser au client une autorisation d'exploitation pour non respect des normes de sécurité et d'incendie, faut-il s'en étonner ?
Derrière lui un membre du personnel de l'hôtel passait l'aspirateur, ce qui m'a beaucoup perturbé, j'en conviens. A la réflexion, je dirais que c'était somme toute plus intéressant que ma conversation avec le chasseur, d'où ma distraction.
Il m'a congédié au bout d'une heure, me précisant qu'il rencontrait le DRH de son client la semaine suivante (en l'occurrence aujourd'hui) et que s'il oubliait de me donner des nouvelles, je ne devrais pas hésiter à lui envoyer un SMS. Car voyez-vous, c'est un homme très occupé, "non pas dans la profondeur mais dans l'épaisseur". Je ne manquerai donc pas dès demain de me rappeler à son bon souvenir, bien que l'épaisseur du vide sidéral de nos échanges me plonge dans une profonde perplexité.

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