Manger froid ou pas ?

Je me délectais depuis une semaine à l'idée de croquer tout cru un "bébé viandard" qui m'avait proposé un entretien hier.
Pour ceux qui sont peu familiers avec cette notion de viandard, je précise que ce qualificatif peu flatteur est attribué aux sociétés de conseil type Altran et Alten pour les plus connues qui "louent le cerveau de leurs consultants" à d'autres sociétés type Alstom, Arcelor Mittal, Areva, etc.
J'avais donc RV hier avec ce que je considère comme un bébé viandard puisque lui-même est frais émoulu d'un master depuis un an et qu'Acthom, la société où il est entré comme "ingénieur d'affaires", c'est-à-dire loueur de cerveaux, a été créée en 2005. Il est vrai que le secteur est juteux et que nombre d'anciens des sociétés de conseil sus-nommées se lancent à leur tour dans la création d'une nouvelle marque. C'est le cas du patron de bébé viandard, qui affiche fièrement 9 M€ de CA après 6 ans d'existence.
On aurait tort de croire que je ne jette la pierre qu'aux viandards : s'ils marchent ainsi du tonnerre, c'est bien parce qu'ils ont des clients qui louent des cerveaux à un tarif indécent plutôt que de les recruter pour un salaire correct. Ca ne passe pas dans la masse salariale, c'est donc mieux pour le compte d'exploitation et les actionnaires. De plus, ça permet, tout comme l'interim dont ce n'est qu'une variante mieux habillée, de réduire facilement la voilure en cas de crise. Je lisais par exemple hier que le patron de Valeo vantait récemment lors d'un dîner ses carnets de commande actuellement pleins ainsi que ses 20% d'intérimaires qui lui permettront d'absorber début 2012 le choc économique de la crise financière actuelle...
Mais je m'égare. Revenons, si vous me passez l'expression, à nos moutons.
Figurez-vous que je comptais me venger de deux ans de recrutement à base de questions-à-la-con sur le jeune homme en question en les lui retournant toutes dans un effet miroir diabolique. Et bien je n'en ai rien fait. Je n'en ai même pas eu envie. Suis-je trop las ? Ou ai-je eu peur de me salir les pattes en tapant sur un individu dont la fatuité n'avait d'égale que la vacuité ? Je n'en sais rien.
Pendant l'entretien, quatre de ses collègues ont défilé dans le minuscule bureau où s'entassaient dossiers et ordinateurs dans un fatras révélateur. La plupart sans même s'excuser. Un seul a eu la présence d'esprit de se présenter. Le smartphone du jeune homme n'a pas non plus, bien sûr, manqué de sonner.
Quoi qu'il en soit, j'ai pris le temps de vérifier qu'effectivement ce n'était qu'un rigolo (pas même drôle d'ailleurs) puis j'ai plié mes affaires et je suis parti.
A la qualité de ses chaussures, on voit bien qu'il gagne déjà confortablement sa vie en se "faisant des comm" sur les cerveaux loués. Et ce n'est qu'un début. J'en suis rentré plus mélancolique encore que furieux.

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