La crise de l'automobile

Je vous propose un édito publié le 06 décembre dans l'Usine Nouvelle, magazine que je lis en alternance avec Pâtre, la revue des éleveurs de moutons :
En fin de compte, de crise dans l'automobile, il n'y en a pas eu. Pas vraiment, pas aussi forte que celle qui aurait dû la frapper. Les raisons sont connues. L'Etat a mis sous perfusion ce secteur industriel grâce à deux mécanismes: les primes à la casse et des prêts d'Etat pour « fluidifier » la trésorerie de nos deux constructeurs. La suppression de ces deux jambes de bois fera-t-elle tomber une filière qui n'a pas encore retrouvé son souffle d'avant-crise? Sans doute. Pour au moins trois raisons.
1. La demande était artificielle. Que l'on ne se leurre pas, la bonne tenue du marché de l'automobile était plus due à un effet d'aubaine qu'à une réelle demande du marché. Les primes à la casse, octroyées un peu partout en Europe, ont accéléré le phénomène naturel de renouvellement du parc... La prime française aurait incité, selon les constructeurs hexagonaux, à l’achat de 600 000 nouveaux véhicules. L'arrêter revient à se priver grosso modo de ce volume. En berne, depuis septembre, le marché français peine à dépasser les 2 millions de véhicules vendus cette année (2,023 millions en novembre). S'il continue sur sa lancée, il pourrait réaliser sa plus faible performance depuis dix ans!
2. Déstockage et restockages. A partir du printemps, les usines automobiles se sont remises à tourner mais pas forcément pour de bonnes raisons. La plupart ont surtout contribué à reconstituer des stocks que l'on avait vidés précipitamment en plein crise fin 2008 pour donner de l'air aux trésoreries. Ce travail réalisé, et la demande n'étant toujours pas au rendez-vous, les sites de production reviennent à la case « chômage technique ». C'est déjà le cas chez Renault où les salariés se sont déjà vu signifier une dizaine de jours de repos forcés. C'est aussi le lot de nombreux ateliers chez les sous-traitants ou les équipementiers. Les seuls à tirer leur épingle du jeu sont les usines où des modèles marchent forts comme Sochaux (3008) ou Poissy (DS3) chez PSA et Douai chez Renault (Scenic).
3. Le boom des émergents ne passe par la France. Que ce soit Renault ou PSA, nos deux constructeurs ne sont pas bien placés pour profiter de la demande des marchés émergents. Prenons la Chine (qui doit devenir le premier marché automobile du monde cette année), la marque au losange y est tout simplement inconnue quant au Lion ou aux chevrons, ils ont trop longtemps cherché à refourguer de vieux modèles à la population locale... Cette stratégie inadéquate constitue aujourd'hui encore un handicap à surmonter. Les deux groupes n'ont pas su également profiter de la crise pour réorienter drastiquement leurs portfolios vers ces nouveaux marchés. PSA ne réalise qu’un tiers de ses ventes hors Europe. Quand à Renault, ils représentant 42 % de ses revenus.
Toutes ces raisons devraient se conjuguer dans les semaines et mois qui viennent pour offrir au secteur automobile un scénario en W. Il n'est pas impossible que la première chute soit plus douloureuse (socialement) que la première.
J'ai fait lire la chose (bien qu'à mon avis elle soit assez mal écrite) à un ami qui, après 25 ans de bons et loyaux services chez PSA, a quitté cette vénérable maison pour rejoindre sa meilleure moitié dans une contrée improbable. Il partage le point de vue de l'éditorialiste, exception faite de la position de PSA en Chine. D'ailleurs, l'assureur-crédit Euler Hermes anticipe une croissance de la production dans tous les secteurs en 2011 sauf dans l’automobile. La production devrait y reculer de 3 %.
Voilà qui n'est pas rassurant, mais pas surprenant non plus. Dans ce contexte, je ne peux que hausser les sourcils en apprenant que Carlos Ghosn est le patron le mieux payé du CAC 40 avec 9,2 M€ en 2009. Pas vous ?

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